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Cet article a pour objet d’étudier l'influence de Joseph de Maistre chez Baudelaire en s'appuyant sur une forte affirmation de Baudelaire : « De Maistre et Edgar Poe m’ont appris à raisonner. » dans Les Journaux intimes. L’influence de l’écrivain américain est remarquable car Baudelaire lui-même a été le traducteur des œuvres de Poe en français et a rédigé trois études présentant leurs caractéristiques. Par contre, on a souvent tendance à occulter ou à minimiser l'influence de Maistre sur Baudelaire. En effet, la postérité a seulement retenu de Joseph de Maistre qu’il a été l’un des plus fermes partisans de la contre- révolution et un conservateur étriqué du XVIIIe siècle. Piégé entre l’absence de son père biologique, Joseph-François Baudelaire (1759-1827), et les conflits avec son beau-père le général Aupick, le poète a cherché un autre modèle paternel. Joseph de Maistre (1753- 1821) serait le substitut de son père mort, qui avait été un prêtre janséniste défroqué et mais aussi philosophe. Pour Baudelaire, Maistre, l’auteur de Considération sur la France, Des Soirées de Saint-Pétersbourg sur le gouvernement temporel de la providence et Du Pape, est un héros ou un saint qui a navigué à contre-courant au cours du siècle des Lumières. Maistre représente également un modèle paternel moral et autoritaire qui lui a transmis ses idées métaphysiques : le péché originel, le Mal, l’analogie universelle, le sacrifice et la réversibilité. De plus, Maistre est un philosophe poétique qui fait usage d’images paradoxales et de l’oxymoron le plus fulgurant. Tout d’abord, nous observerons les thèmes catholiques abordés par Baudelaire comme le péché originel, la misère des hommes due à leur expulsion du Paradis et la poursuite d’un monde idéal et unitaire. Maistre et Baudelaire admettent le péché immortel et partagent le même point de vue pessimiste sur le destin de l’homme. Dans deux poèmes : Le Voyage, la conclusion des Fleurs du mal et Irrémédiable, le poète décrit des personnes déchues et méchantes. Dès qu’un homme prend conscience du Mal, de la souffrance existentielle et de l’existence d’un au-delà, il se met en quête d’un Idéal. Ce monde invisible est poétiquement évoqué dans le poème Correspondances. Ensuite, nous examinerons la guerre, l’un des sujets maistriens de prédilection, qui est la méthode divine utilisé pour balyaer le Mal par le sang. La divinité de la guerre et, tout comme la necessité de la peine de mort, que l’on retrouve dans les écrits de Maistre, jouent un rôle important chez Baudelaire. Notamment, les deux principaux acteurs, c’est-à-dire le soldat et le bourreau, qui ont chacun le droit de tuer sans que cela ne soit considéré comme un crime. Ces deux figures occupent en effet les deux extrêmités de l’échelle sociale : l’un est honorable ; l’autre, abject. Pourtant, Maistre met en relief le privilège exorbitant et même sublime du bourreau, auquel Baudelaire ajoute le droit de la victime de se sacrifier avec joie. Dans L’Héautontimorouménos, Baudelaire montre par l’ironie qu’un poète est maudit et par l’oxymore que ce poète est à la fois bourreau et victime. Finalement, nous étudierons l’idée de réversibilité chez Maistre, une idée qui dénote la possibilité laissée au juste de pardonner aux coupables par sa souffrance volontaire. Dans Les Fleurs du Mal, nous pouvons même trouver le poème intitulé Réversibilité dans lequel Baudelaire utilise la répétition des rimes pour illustrer le concept général de réversibilité et où il souligne l’utilité de la prière. Baudelaire et Maistre considèrent la prière non seulement comme une oraison poétique, mais aussi comme la manifestation de la volonté humaine et de la dynamique intellectuelle. Dans le dernier chapitre des Soirées de Saint-Pétersbourg, Maistre parle d’un poète prophétique qui peut deviner les langues et de les parler purement avant qu’elles ne soient formées. Ce poète-prophète est un homme qui incarne simultanément trois êtres respectables chez Baudelaire : le poète, le soldat et le prêtre : celui qui chante la nostagie d’un monde avant le péché originel, celui qui se sacrifie et sacrifie, et celui qui récite des prières. Pour Baudelaire, Maistre est donc “un voyant”, c’est-à-dire un prophète poétique.