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Le programme de littérature générale et comparée à la session 2008 de l’Agrégation de lettres modernes en France était “Naissance du roman moderne” et les oeuvres inscrites au programme étaient Le Tiers Livre de Rabelais, Don Quichotte de Cervantès et Tristram Shandy de Laurence Sterne. Il s’agit des trois oeuvres représentatives de la littérature occidentale du 16e au 18e siècle, qui ont grandement contribué à l’innovation du genre romanesque. On peut donc dire légitimement que ces oeuvres sont les précurseurs du roman moderne en Europe. Parmi leurs ressemblances, elles ont principalement un point commun en ceci : elles appartiennent toutes à la lignée du roman comique, caractérisé par la présence d’un narrateur autoréflexif, conscient de son rô̂le à jouer dans les processus de la création littéraire. Nous croyons que la notion du narrateur autoréflexif (the self-conscious narrator) de Wayne Booth peut servir de crière adéquat à définir ce type de narrateur qui fait intrusion dans son roman afin de faire le commentaire de lui-mê̂me en tant qu’auteur et de son livre en tant que produit littéraire. D’ailleurs, ce critère s’applique parfaitement au statut du narrateur de l’oeuvre de Rabelais, au moins dans ses deux premiers livres. Alcofribas, ce prétendu historiographe de Pantagruel, suggère continuellement que sa chronique n’est motivée par aucune exigence des faits historiques et qu’il se situe dans le domaine facétieux du roman comique. Les divers aspects de la fantaisie verbale sont également des traits caractéristiques de l’écriture rabelaisienne : souvent, des mots s’accumulent et se combinent librement sans motif apparent chez Rabelais. Les expériences langagières, fréquentes dans son oeuvre, montrent clairment que Rabelais est conscient de l’arbitraire et l’expressivité de la langue et essaie d’exploiter ses potentialités. Les épisodes sous forme de coq-à-l’â̂ne, les langages artificiels et imaginaires, les longues colonnes verticales des mots, etc. sont les exemples représentatifs de l’écriture expérimentale de l’auteur. Nous croyons qu’il y a lieu de dire que l’oeuvre de Rabelais est le premier roman moderne en France, caractérisé avant tout par la présence d’un narrateur autoréflexif, qui, avec son identité fictive, est pleinement conscient de son rô̂le à jouer dans le récit afin d’établir une complicité ludique avec le lecteur. Rabelais essaie de représenter l’atmosphère joyeux du monde carnavalesque par son écriture comique pour le bon fonctionnement de son univers romanesque qui’il est en train de créer. L’auteur ne cesse de réflechir en mê̂me temps sur le rapport entre les mots et les choses et de poser constamment à travers le cycle pantagruélique le problème de l’interprétation des sens. Ainsi les processus de la création littéraire deviennent le centre des discussions entre les instances narratives au sein du roman, ce qui montre clairement la conscience aiguë̈ de l’auteur en quê̂te de sa propre écriture romanesque.