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Dans cette étude, nous examinons le sens de la photographie dans La Goutte d'or de Michel Tournier et Bruges-la-Morte de Rodenbach. En particulier, nous considérons l'écart entre la photographie et le réel. Nous nous arrêtons enfin sur la notion de vérité produite par le signe ainsi que sur la notion d‘éternité qui sous-tend la photographie. Contrairement à ce que l’on croit d’ordinaire, la photographie n’est pas un miroir fidèle du réel. Tournier présente l'histoire d'un jeune Maghrébin immigré en France dans La Goutte d'or. Pris au piège de l'image photographique, ce personnage confond la représentation avec la réalité. Mais il découvre que la frontière entre la réalité et sa représentation n'est pas abolie. Il n’y a aucune affirmation, seulement des incertitudes quant à la réalité de la représentation photographique,des soupçons à l’égard de ce que son personnage découvre de lui-même, et de nombreuses questions qui en découlent. Le personnage principal s’abîme dans cette impossibilité de s’identifier à ces images. Rodenbach exprime aussi sa crainte que les photos dénaturent la vérité recherchée. La maîtresse de son personnage, la réincarnation de son épouse décédée, apparaît comme une photographie, dans la mesure où les deux se ressemblent physiquement. Mais au fond elles sont par nature différentes. La photographie est l’art où la distance entre le référent et l’image semble disparaître, car elle est un art de l’empreinte au sens technique. Mais l’image transformée en une matière est déjà une représentation. De même, l'écriture transforme la réalité, et la photographie n’est qu’une représentation. En outre,l’écriture donne de l’épaisseur à l’image photographique ; elle agit comme un voile, c’est-à-dire que tout en dissimulant le réel derrière ses caractères d’imprimerie, elle signale l’existence du réel, de l’autre réalité qu’il faut découvrir. L'image insidieuse qui place la société dans un matérialisme trivial menace de noyer toutes aspirations à une vie spirituelle. Ces deux auteurs privilégient l'intériorité, la recherche de la “vérité” face àl'apparence, à l'image virtuelle et donc à la photographie. Tournier met en valeur cette idée de “vérité” notamment à travers “la goutte d'or”. Ce bijou saharien à “la forme pure” est une sorte de “signe” qui s'oppose à l'image figurative telle que l'Occident la diffuse. Ses clichés ne se contentent pas de copier les réalités palpables. L'auteur veut représenter l’irreprésentable, voir l’invisible, sentir l’imperceptible,recueillir les révélations de l’au-delà à travers son univers. La vérité àlaquelle il semble vouloir accéder n’est pas une vérité philosophique ou dialectique, liée au logos (au signifié), mais une vérité immanente et empirique, liée au statut de l’écriture (au signifiant). Bruges-la-Morte de Rodenbach nous a permis de voir comment l’auteur recherchait “l’éternité”. Ce livre montre un veuf obsédé par la photographie de son épouse morte. Elle redonne une présence à celle qui reste en même temps absente. Sa réalité première ne signifie rien d'autre qu'une forme d'existence. Bruges, saturée d'images répétitives, est la ville-photographie, telle une ville-empreinte. Le rêve de résurrection semble enfin s'incarner dans le corps de la maîtresse du veuf, maîtresse qui ressemble physiquement à l'épouse défunte. Mais désenchanté par la dissemblance spirituelle entre les deux femmes,le veuf assassine son amante. Le sacrifice rend la maîtresse identique àl'image de l'épouse, c'est-à-dire identique à une photographie. Par-delàla mort, elle mérite de survivre. La photographie garde, avec la trace d'une lumière passagère, l'aspect lui-même éphémère des choses. Sa magie, c'est de donner forme et durée à cette fugacité. La survivance est la figure d'un retour qui conjure ou trompe la disparition - sans la nier. La photographie, selon Rodenbach, est une religion de la trace,mais une religion sacrificielle. La littérature peut également avoir une fonction de survivance. Comme la photographie, la littérature est un moyen pour l'homme d’échapper à la mort qui ne cesse de le poursuivre. Il succombe au cours du temps, mais son écriture y résiste et survit pour toujours. L'image réaliste de la photographie réduit l'homme en esclavage mais donne également l'illusion d'être à tout jamais là. En fixant l'instant, la photographie revêt une vertu alchimique : l'éphémère se transmue en 'éternité'. C'est là que réside le sens de la photographie dans la mesure où la frontière entre le réel et l’imaginaire, entre la vie et la mort, y paraît estompée. Cela rejoint la littérature qui met en valeur “la vérité”émanant de l'essence de la vision au-delà de l'apparence. De la même manière, c'est grâce à la littérature que l'homme se prépare pour “l’éternité”. Triomphant à jamais de la mort, littérairement, il peut se libérer de l’emprise du temps. Ainsi, Rodenbach et Tournier créent un nouvel ordre de la vision à partir de la photographie ; c'est la littérature.