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Les troubadours occitans avaient une idée précise de leur art. Selon eux, le poète est ‘celui qui sait lacer et lier de belles paroles’ ou même ‘faire des mots en les rabotant et en les limant’, c’est-à- dire la poésie est ‘la fleur’ que le poète élabore dans son ‘atelier’. Lois d’amour est un traité poétique édité au XIVe siècle en s’appuyant sur la poésie des anciens troubadours. Nous essayerons dans cette étude de présenter de différentes sortes de mètres, de rimes, de couplets et de tornadas que nous dit Lois d’amour. Ensuite nous observerons comment cette versification s’applique aux cansos de Bernard de Ventadour, grand troubadour du Ⅻe siècle. A la différence de la poésie latine basée sur la longueur des syllabes, la poésie des troubadours est fondée sur le nombre des syllabes et les rimes. Pour le compte syllabique de la poésie troubadouresque, on doit considérer la diphtongue ou la triphtongue comme une syllabe. Lorsqu’un vers finit en accent grave, il faut y ajouter une syllabe. La chanson 11 de Bernard de Ventadour est composée de vers octosyllabiques en rimes masculines, combinés avec des heptasyllabiques en rimes féminines. Les mètres pairs correspondent à l’amour fidèle du poète, les mètres impairs, eux, à l’hésitation de la dame. Les rimes sont classées dans Lois d’amour suivant l’accord, l’ordre ou la ‘diction’. La rime accordante se subdivise en assonnance, consonnance, léonisme. Pour la rime ordinale, on peut citer la caudada (les rimes identiques de deux ou trois vers à la fin du couplet), l’enchaînée, la croisée, la tombarela (rime intérieure) et la rétrograde etc. La rime dictionnelle’ se compose de la dérivative, de l’équivoque et de l’utrisonnante (qui a une voyelle tantôt ‘plénisonnante’ tantôt ‘semisonnante’). Nous pouvons observer dans les chansons de Bernard de Ventadour les rimes qui modulent les règles ci-dessus ou qui les combinent. Dans la chanson 37, la rime du 6e vers, revenant en écho à la 3e syllabe du vers suivant, forme la rime tombarela. La chanson 39 nous montre une structure des rimes plus entrelacées et plus raffinées grâce à des rimes dérivatives et des couplets capfinits. D’après Lois d’amour, le couplet est un assemblement de cinq vers au minimum jusqu’au seize. Et y sont énumérés les couplets unissonans (tous les couplets possédant des rimes identiques), singuliers (chaque couplet ayant ses propres rimes), capcaudats (où la rime finale d’un couplet se répète dans le premier vers du couplet suivant), capfinits (où le mot qui termine un vers est repris en début du vers suivant), capdenals (où tous les vers commencent par le même mot), recordativos (le même mot est répété en début et en fin de vers, ou le même vers en début et en fin de chaque couplet), retronchats (le même mot ou le même vers réapparaît de couplet en couplet, à la même place). Bernard de Ventadour, dans sa chanson 4, démontre une grande habilité dans l’agencement de mètres et de rimes, en alternant des vers de 5 et de 7 syllabes et en fabriquant à la fois des couplets singuliers, capcaudats, retronchats. Neuf vers sur douze dans chaque couplet de cette chanson s’achèvent par des rimes féminines ; alors que la rime féminine finale du couplet précédent devient la rime du premier vers du couplet suivant, la rime masculine or est répétée à la même place, dans les 9e, 10e et 11e vers, et de plus le 9e vers de chaque couplet finit par le même mot- rime amor. La variété des couplets singuliers, le rythme de l’hétéromètrie, la musicalité des rimes féminines, la répétition régulière du mot amor donnent à cette chanson une esthétique incomparable. Les chansons des troubadours peuvent avoir une ou deux tornadas (courts couplets finaux) où ils peuvent mettre leur signature ou le senhal d’une dame à qui ils dédient leur œuvre. Bernard de Ventadour juxtapose deux tornadas : les rimes des trois vers de la première tornada répètent celles des trois derniers vers du couplet précédent ; les rimes des deux vers de la seconde tornada copient celles des deux derniers vers de la première. Ainsi, cela nous donne l’impression que la chanson disparaît en douceur et en écho. Nous nous sommes efforcé de présenter précisément les règles de versification de Lois d’amour et de savoir comment elles ont été réalisées chez Bernard de Ventadour. Le grand chantre lyrique ne nous semble pas avoir cherché la décoration technique au détriment du contenu. Il restait fidèle au style simple, évitant des rimes trop riches et équivoques, sans négliger néanmoins l’esthétique formelle de son art. Ainsi, il a su élaborer une structure inédite qui passera comme modèle à la postérité.